En vie.

7/17/2016

Bonjour à tous, j'espère que vous allez bien en ce lundi matin. Aujourd'hui, je vous rédige un article que je n'aurais jamais cru écrire dans ma vie. Un article pas planifié, un article spontané pour mettre les mots sur mes sentiments. Un article que je vois comme un moyen d'extérioriser ma peine et ma colère. 

Jeudi dernier, la mort a frappé Nice de plein fouet. La mort s'est propagée dans les rues, par ce vent qui s'est levé en début de soirée. La mort a laissé des familles endeuillées, des familles brisées. En ce 14 juillet, en me levant, jamais je n'aurais cru qu'un tel événement pourrait arriver. Paris, Bruxelles, Bagdad encore récemment, la terreur est toujours proche, mais il n'y a que lorsqu'elle nous touche réellement qu'on se rend compte. Qu'on se rend compte que ce ne sont pas juste des images à la télé, des paroles à la radio, des photos dans les journaux. C'est bel et bien réel. Tout près. 

Je voulais remercier toutes les personnes qui ont pris de mes nouvelles sur les réseaux sociaux. Je me suis rendue avec mes parents, ma soeur et mon grand-père admirer le feu d'artifice sur la Promenade des Anglais, plus précisément sur la plage en face du Negresco, comme depuis de nombreuses années désormais. C'est une habitude, une chouette habitude. A 22h, les premiers tirs sont lancés. La foule est présente sur les galets comme sur le bitume. Nous sommes tous dos tournés à la ville, à admirer ces paillettes de lumière tomber sur la mer, encore plus magique que d'habitude. Nous sommes tous émerveillés, même si nous connaissons ce feu par coeur, nous avons des étoiles dans les yeux années après années. Les minutes passent, puis nous finissons tous par applaudir après le bouquet final. Les enfants rigolent, les parents sourient, nous sommes tous ensembles réunis pour célébrer cette fête nationale. 

Mes parents et mon grand-père sont restés sur le haut de la promenade pour regarder le feu, et ma soeur et moi remontons l'escalier de la plage pour les rejoindre. Mon papi est fatigué, il exprime le désir de rentrer sans s'attarder. Nous entamons la traversée de la Prom', toujours difficile avec ce monde. Nous arrivons au niveau du Negresco, nous continuons tout droit en nous enfoncant dans les rues de la ville pour le reconduire chez lui, à quelques rues de là. Une fois déposé chez lui, nous ressortons en direction de Gambetta. Nous voyons les gens revenir de la Prom, le pas plus rapide que d'habitude. Certaines personnes cours. Avec le vent qui s'est levé, et la pluie qui parait menaçante, nous nous disons simplement que les gens se dépêchent de rentrer. Puis nous en voyons d'autres arriver de la mer en courant, le regard hagard et perdu. Nous voyons les gens tous au téléphone, les yeux graves et choqués. Je vois deux voitures filer à toute allure, et je me dis "bon sang, qu'ils fassent attention quand même!". Nous traversons vers Victor Hugo, du côté des travaux. Une mère avance avec sa fille, et cette dernière s'arrête sur le bas côté, comme choquée, elle s'assoit. Nous continuons, les gens paraissent toujours plus paniqués. On ne comprend toujours pas, on se dit qu'il y a du avoir un mouvement de foule, qu'une rumeur est vite arrivée, les gens ont juste du avoir peur de quelque chose qui n'est en réalité pas grave. Puis je passe à côté d'un groupe de gens et un monsieur lâche "j'ai vu un cadavre..." et là, on comprend que non, ce n'est pas normal. On commence aussi à entendre le mot "camion", mais les brides de phrases ne nous permettent pas de saisir ce qu'il s'est passé, en quelques minutes, alors que nous étions entrain de ramener mon papi chez lui. 

Nous continuons notre chemin, le coeur qui commence à battre plus vite, l'adrénaline, la peur qu'amène l'incompréhension de ce qu'il se passe. Nous n'avons rien vu, rien entendu, alors que la scène a du se dérouler le temps de remonter la Rue de Rivoli, traverser Gambetta, continuer quelques mètres, déposer notre papi, parler une minute, ressortir, et repartir dans l'autre sens. Cela représente quoi, 5 minutes ? 5 minutes pour que tout change. Des gens disent à des touristes asiatiques de se diriger le plus loin possible des plages. On aperçoit des gens cachés dans des halls d'immeubles, l'air toujours apeurés. On entend aussi parler de tirs, et on accélère encore le pas pour rentrer chez nous. Je me connecte directement aux réseaux sociaux, mais l'information qui circule est encore floue. Un camion fou aurait foncé dans la foule amassée sur la Promenade. Il y aurait des morts et blessés. On ne sait pas si il s'agit d'un accident, d'un attentat, de l'acte d'un fou. On allume la télé, toujours rien, on voit juste passer un bandeau sur BFM. Sur twitter, les informations se concrétisent peu à peu. Le choc arrive, mais on n'arrive toujours pas vraiment à se rendre compte de ce qu'il vient tout juste de se passer, au bout de notre rue, sur notre Promenade des Anglais. Puis on apprend petit à petit qu'il y a des morts, beaucoup de morts. 

On réalise que grâce à notre grand-père, nous n'étions pas là lorsque le drame s'est produit. On s'imagine qu'on aurait pu, au lieu de rentrer sur Gambetta, simplement remonter sur la Prom',  écouter les groupes de musiques quelques instants puis rentrer chez nous en longeant la Prom' jusqu'au Palais de la Méd. On comprend que Vic et moi aurions pu se séparer de nos parents, on comprend qu'on aurait pu être sur le chemin du camion fou, à quelques minutes près. Le temps de ramener notre grand père chez lui et de revenir, la vie de la ville de Nice a basculé. 

Ce matin, en ce dimanche où je rédige cet article, j'ai encore du mal à réaliser. Mais la réalité commence à être plus nette dans ma tête. Vendredi matin, je n'ai pas pu prendre mon bus pour me rendre au travail, les accès étant coupés. J'ai voulu me rendre au don du sang, mais l'attente était alors trop longue. Je suis rentrée par Garibaldi, et j'ai fais quelques pas sur la Prom' en face du Vieux Nice, tronçon où le camion fou n'a pas pu propager la mort. Plus loin, j'aperçois des dizaines et des dizaines de camions des médias, des caméras, des journalistes, et plus loin le reste de la route bâché. Ces images m'ont paru surréalistes. La preuve que l'attentat avait bien eu lieu, mais j'avais du mal encore à l'accepter. Ce même jour, en début de soirée, je suis venue en face de la brasserie Balthazar, écrire un mot pour les victimes et leurs familles. L'émotion était là mais encore une fois, tout me semble comme dans un mauvais rêve. Samedi, j'y vais dans l'après midi, il faut que je sorte, je me rend à Neptune Plage, en face du Negresco, plage où j'ai passé toute mon enfance. Chez eux personnes n'a rien eu, mais le traumatisme est violent et l'émotion intense. On en profite pour discuter, et cela fait du bien d'en parler. On passe quelques heures au soleil, sortir pour ne pas rester chez soit avec ses pensées et devenir maboule. En revenant par la Promenade, on commence à voir les gens déposer les fleurs. On s'assoit quelques instants devant ces dernières. A côté de moi un jeune homme en larmes. Je me demande si il a perdu quelqu'un, et avant de repartir je lui adresse quelques mots en lui demandant si ça va aller. Puis hier soir encore, j'y suis retournée avec mes parents. Et cela m'a pris de plein fouet, aux tripes. Les fleurs et les bougies déposées aux endroits où les gens sont tombés. En journée l'émotion m'avait prise à la gorge, mais cette fois je ne peux retenir mes larmes de couler. Ce douloureux pèlerinage de quelques mètres finalement, c'était comme hors du temps. Et ce dimanche matin en me levant et en me préparant, je réalise vraiment. 

J'y ai échappé de peu, j'ai de la chance d'être en vie et de n'avoir rien vu. La vie pour ma famille et moi a tenu à quelques minutes, à quelques mètres, à quelques mots. Une bonne étoile a veillé sur nous, et nous a permis de passer à quelques millimètres du malheur et de la mort. 

Aujourd'hui je suis plus que jamais reconnaissante d'exister. Je veux vous dire à tous que la vie est précieuse, et qu'on ne sait jamais de quoi va être fait demain. Je me vois encore me réveiller, me promener avec ma soeur, faire quelques achats, boire un verre en terrasse. Jamais je n'aurais cru que ma journée allait finir de la sorte. Et quand bien même devant le feu d'artifice la pensée d'une attaque m'a effleurée l'esprit, je n'aurais jamais cru qu'un drame pareil allait se produire quelques minutes plus tard. 

Aujourd'hui je ne veux accuser personne, je ne veux pointer du doigt les gens et personnalités politiques trop facilement. Je voudrais qu'on mette de côté nos opinions pour se recueillir et s'unir.

Je pense continuellement aux familles qui ont perdu les leurs, et je prie pour les personnes se battant encore pour leur vie. 

Ce lundi matin est difficile, ce lundi matin est étrange, ce lundi matin marque le début d'un nouveau chapitre pour la ville de Nice. 

Mais je suis en vie. Merci ... 

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3 commentaires

  1. Première visite sur ton blog et ton article me bouleversée .. je sais exactement ce que tu ressens .. J'étais au stade de France ce fameux vendredi 13 et j'étais dans la première vague à en sortir, c'est à dire dans la foule qui à déclenché un ras de marée avant la re-fermeture des portes du stade .. Comme toi je n'ai rien vu de cette horreur mais j'ai eu peur, j'entends encore les détonations, les gens qui crient, qui cours, qui pleurent, les sirènes des pompiers et police ! Je pense très souvent à ce carnage qui à eu lieu à PARIS ... et je souffre .. vendredi matin en voyant ce qu'il sait passé à Nice j'ai tout simplement fondu en larmes aucun mot ne sortait .. J'espère très sincèrement que tu vas bien parce que je sais ce que tu peux ressentir .. on ne se connait absolument pas mais je t'envoie un million de bisous et comme tu le dis si bien dans ton article la vie est la chose la plus précieuse que nous avons <3

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  2. Je n'ai pas grand chose à dire sur ton texte. Tu t'es exprimé,on sent l'incompréhension,la peur mais malgré tous tu restes positive.J'ai pense à toi,à ta soeur et à ta famille lorsque j'ai su le lendemain matin.Je me suis connecté sur insta et vous aviez mis un petit posté pour dire que tous aller bien.Et la j'ai commencé à capte.Il y a eu un attentatelier à Nice.J'étais pas bien toute la journée.J'avais envie de plEure.Je voulais appeler mon copain,j'avais envie besoin de discuter de ça, mais j'avais peur de fondre en larmes.Actuellement je suis en loin de ma famille et du chéri à cause de mon boulot et je m'en suis voulu d'être loin d'eux.Nice c'est un peu ma ville de coeur.Depuis 2013,jy viens tout les ans,parfois 2/3 fois pour faire des courses.Fin avril je suis revenue pour courir le séminaire marathon,et il me tarder de revenir.J'adore sa promenade, courir tôt le matin,c'est mon plaisir à moi et me dire qù'il à des gens qui ont de la chance de vivre ici.Cet attentat ma toucher encore plus que les autres,la j'ai vraiment eu peur.Je te souhaite pleins de courage à toi,ta soeur et pour ta famille.Profiter de la vie.

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  3. Voir les attentats s'enchainer nous donnes à tous froid dans le dos. L’Allemagne en ai à son 3eme en 15 jours... c'est horrible !
    Je ne sais pas si j'ai raison, mais je me sens comme "protégé" là, dans ma petite commune bretonne, mais mon chéri est sur Paris en ce moment et je croise les doigts chaque jour pour que comme à toi, il ne lui arrive rien
    Courrage à toi et ta famille, je vous envoie des bisou

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